AVANT-PROPOS...

Tout l'avantage d'être pêcheur de carnassiers dans le centre de l'Espagne, c'est la météo. Enfin d'une certaine manière.... car pendant le plein été qui dure 4 mois, mieux vaut se lever tôt! Le ciel bleu invite à sortir même au coeur de l'hiver, et les quelques jours couverts, gris, un peu tristes, ne sont finalement pas si maussades et pour un passionné ce n'est certainement pas une raison de ne pas pêcher!

A côté de cet avantage pour le pêcheur existe cependant un gros souci, celui de la gestion "proprement" (ou devrais-je dire salement?) lamentable des eaux. Il y a bien peu d'endroits à pêcher et encore moins de brochets, sandres ou black-bass laissés. L'office des eaux les laisse mourir. Quand il reste des brochets ou sandres, ils les tuent. Les pêcheurs tuent le reste. Le passionné cherche ce qui reste.

D'où la nécessité absolue d'être au-dessus d'une pression de pêche énorme.

Voilà bien une des raisons pour laquelle le marché du leurre se porte si bien en Espagne, surtout si on tient compte de l'interdiction de pêcher avec des poissons mort ou vivants. Si on opte pour la pêche avec des leurres durs, des leurres dont l'action est très spécialisée, rénover sa boîte constamment est une nécessité. Le mot "nécessité" n'est pas exagéré. C'est autrement plus vrai quand on compare le prix local d'un leurre au salaire moyen...

Pourtant, j'y avais amorcé un certain retour au bon sens, en utilisant un montage d'ondulante adapté, qui me donnait vraiment de bons résultats. Je ne suis pas resté assez longtemps pour y tester toutes mes petites innovations suivantes (à part le plomb-palette-jig en hiver 2010) mais qui sait si ces techniques auraient amélioré mes résultats.

Tout l'avantage d'être pêcheur de carnassiers dans le centre de l'Angleterre, c'est l'eau! L'eau, c'est-à-dire la pluie, les lacs, les rivières, les canaux et toute la vie qu'il y a dedans.
Bien que des erreurs peuvent être soulignées (massacre des premiers sandres il y a 10 ans, trop de pêche privée), il faut dire que l'office des eaux fait son boulot.

D'un autre côté, une histoire de pêche longue et noble a conduit à une pêche actuelle de mentalité plutôt fermée. La pêche des carnassiers, brochet, perche, chevesne, barbeau, truite, est restée figée dans des techniques fiables mais anciennes. La pêche des espèces aloctones (sandre, silure), du reste encore limitée, s'est basée sur ces anciennes techniques, sans désire de découverte.

A mon arrivée à Oxford il y a presque 5 ans, j'y ai trouvé (à force de marche et de tours de pédales) des poissons partout. Dans un ruisseau, sous un immeuble, sous un pont, derrière une écluse, au détour d'un champ, dans un bras mort, dans un lône, le long d'une prairie, derrière un pub!, et même des dizaines de brochets dans des trous d'eau!

Si vous vivez dans un endroit où les poissons ne manquent pas sauf conditions climatiques exceptionnelles, je pense qu'il y a lieu non seulement de s'amuser, mais aussi de tester d'innombrables techniques.
La pêche c'est une passion...... Quand on a une passion on y pense tout le temps. Comme on y pense fort, on finit par vouloir faire quelque-chose de différent, soit pour améliorer quelque-chose soit pour expérimenter.

Et paradoxalement, c'est là qu'on redécouvre le plus ancien, tout ce qui a été fait pour en arriver là.

Il y a presque 50 ans, Duborgel, Limouzin, Drachkovitch, se sont demandés si au lieu de rester assis avec un poisson mort au bout de sa ligne en regardant le paysage, on pourrait plutôt monter ce poisson sur quelque-chose et aller de poste en poste pour aller examiner ce paysage de près. En voilà une idée simple et brillante! A partir de cette idée simple ils ont fait bien plus, développer une technique, un style, des cannes, des montures etc. Ils avaient un grand avantage: la densité des carnassiers beaucoup plus importante à cette époque, mais surtout, surtout, le sandre. Une espèce toute nouvelle et dont l'expansion fut incroyable. Tout un tas de poissons avec lesquels expérimenter!

Quand j'ai commencé la pêche des carnassiers dans les années 1990, le leurre souple faisait son apparition en France, ce qui justifiait toutes sortes de montages sympathiques pour des pêches mouvementées. Des tandems, des têtes plombées personnelles, des palettes, tout était permis. Puis les leurres durs sont arrivés, apportant des bruits, des couleurs, des nages!
Et quand ensuite on arrive dans un endroit comme Madrid où il y a peu de poissons, faire des éclaboussures avec ces leurres permet soit de pêcher le dernier bass, soit.... d'admirer son dernier gadget!

Grâce à l'Angleterre il y a plusieurs années, j'ai donc simplement pris un nouveau départ. Puisque j'avais manqué les techniques plus anciennes j'y suis revenu... et j'en ai profité pour les adapter, adaptations que je partage en partie ici avec les espèces marines utilisées pour les carnassiers d'eau douce.


RAPPEL SUR LES ESPÈCES D'EAU DOUCE POUR MORT MANIÉ

Quand on pêche des carnassiers d'eau douce, le plus logique est de leur proposer des espèces qu'ils sont susceptibles de consommer habituellement. Parmi elles, le gardon, l'ablette, le chevesne et la brème.

L'ablette le plus petit de ces poissons est brillant et suffisamment résistant pour des dizaines de lancers pour peu que la monture ne soit pas malmenée. C'est une espèce de choix pour le brochet. L'ablette est facile à pêcher pour peu qu'on repère les zones où elle peut être présente en grand nombre. Une canne à toc et des petites nymphes ou n'importe quel petit appât permettent d'en attraper beaucoup. On peut la localiser toute l'année, en hiver une journée ensoleillée la fait sortir volontiers.

Le gardon est une autre option très versatile. Facile à pêcher aussi, particulièrement dans les trouées des ruisseaux lents, on le cherche plus près du fond. Là aussi une canne à toc me suffit, et l'esche qui me donne le plus de résultat est le cheddar. Ce fromage anglais qui sent très fort semble un délice pour la plupart des blancs...

Le petit chevesne est présent en quantité dans nombre de petits cours d'eau. Ici il pullule littéralement à certains endroits, au point qu'il dérange la recherche de gardons et ablettes si on ne le recherche pas spécifiquement. Tant qu'il est petit, la touche du chevesne est souvent brusque. Il est aussi peu sélectif, presque tout appât comestible l'intéresse, fromage, viande, fruits, légumes...
C'est un poisson assez brillant, au corps très rond, ferme et dense, il est d'ailleurs préférable d'avoir une aiguille pour le monter sur une monture.

La brème est le plus grand de ces petits blancs, qu'on peut aussi utiliser comme esche à manier, c'est un poisson au corps haut et comprimé, ce qui le rend plutôt planant. J'ai eu de bons résultats pour le brochet durant des sessions hivernales à basse température sur des bras morts minuscules, après avoir monté le poisson sur une monture adéquate.

Le vairon enfin est un tout petit poisson, de 5 à 10 cm au maximum, qui vit dans des eaux plutôt bien oxigénées, et qu'on connait mieux pour les techniques de pêche à la truite. Sa forme est allongée et plutôt cylindrique, ce qui demande une petite monture adaptée. Il n'intéresse pas que la truite, et ce même dans les eaux où il n'est pas présent.

Une autre espèce vraiment intéressante est la perche ou plutôt la perchette. C'est un poisson que le brochet ou le sandre, et même la perche elle-même, attaquent volontiers. Son intérêt pour le pêcheur est aussi sa grande résistance, largement supérieure à toute autre espèce même le chevesne. Il est possible de prendre plusieurs brochets avec le même poisson. Etant donné la fermeté de la peau et la chair, il est important d'avoir une aiguille pour passer le fil de cuivre pour une monture drachko. En France comme chacun sait, il y a une taille minimale pour garder une perche, sauf si elle abimée. Mais outre-manche la densité de cette espèce est très élevée, c'est pourquoi même si son prélèvement fait l'objet d'une taille minimale (comme toute espèce), celle-ci est supprimée si on garde la prise comme appât (maximum 20 par jour).

Tous les poissons ci-dessus peuvent être utilisés entiers sur monture type drachko.
Il y a bien d'autres espèces d'eau douce qu'on pourrait essayer sur d'autres genres de montures à manier ou des montages pour tirette ou posé.


LES ESPÈCES MARINES

J'ai séparé les espèces intéressantes pour le manié et les autres. En effet, bien des espèces marines sont susceptibles de marcher! En revanche, trouver (et facilement) celles qui sont bien pour une monture manié restreint le choix.

Espèces pour manié

Le smelt

Croyez-moi si vous voulez: le smelt ou éperlan en Français est simplement le meilleur poisson mort pour le brochet, parmi toutes les autres mentionnées dans cet article. Sa présence dans l'eau les attire de loin, c'est très étonnant. Je l'ai utilisé dans tout type d'eau, en toute saison. La perche le prend parfois aussi. Je ne crois pas être jamais revenu bredouille! C'est donc un atout si vous pêchez le brochet par eau teintée.
Il est assez difficile à trouver, bien qu'il puisse parfois être vendu au milieu d'autres espèces en tant que "petits poissons de mer en vrac". Le magasin de pêche s'avère donc la source la plus fiable, mais il le vend bien cher! Il faut dire aussi que c'est une espèce menacée dont la pêche est régulée.
Il se monte facilement sur une monture à manier, et tient mieux que le sprat. Il faut quand même être délicat, il ne durera pas longtemps si vous le secouez trop! Heureusement c'est le brochet qu'on cherchera principalement puisqu'il l'adore, donc les glissés longs et doux et les longues pauses sont à conseiller et ménagent le "vif". Il arrive aussi très souvent que le brochet tape pendant que la monture est posée au fond.
A noter que l'odeur du smelt n'est pas désagréable, très proche de celle du concombre! C'est une odeur qui ne reste pas sur les mains après la partie de pêche...



Le sprat

Je ne compte plus le nombre de perches et brochets que j'ai pris avec des sprats! C'est devenu mon 'vif' exclusif pour le manié en eau douce.
Appelé souvent petite sardine à tort (ce sont des espèces différentes), c'est un poisson très léger, environ 1 gramme par centimètre, assez plat latéralement, dont la taille va jusque 15 cm.
J'ai commencé à utiliser le sprat pour ma 1ère partie de pêche sandre. Il me fallait des vifs, et ayant vu des sprats au supermarché, je l'ai trouvé intéressant par la taille et l'aspect brillant, j'en ai donc pris une dizaine pour essayer. Le sprat m'a permis de prendre des sandres dès la 1ère session, et ce sur un canal anglais où la densité de sandre est extrêmement faible.
Ses flancs sont très brillants, ce qui peut-être le rend si efficace sur le brochet.
Une fois monté délicatement, il est suffisamment résistant pour des dizaines de lancers. Durant une partie de pêche sans touche (ce qui est rare) j'ai besoin d'environ 2 sprats par heure. A noter quand même que j'utilise une monture équipée d'anti-accroches.
On le trouve chez le poissonnier pendant une bonne partie de l'année, à petit prix (ici, un peu plus de 2 euros les 500 grammes, soit 40 à 50 sprats) sauf quand la mer est agitée près des côtes.



La vieille

La vieille, ce petit poisson de roche, pululle sur certaines côtes particulièrement dès que l'endroit est favorable à ses incessantes remontées avec la marée. C'est un poisson à la peau ferme, aux écailles rudes, et qui semble avoir plus d'arêtes que de chair! Avec ses dimensions et ses couleurs (robe rouge augmentée de reflets verts, jaunes et bruns), c'est une espèce qui me fait fortement penser à une "perche d'eau douce", et il me semble, mais je n'ai jamais eu l'opportunité d'essayer, que cela en ferait un bon choix pour le brochet au manié.



Le whitebait

Le whitebait est pour ainsi dire un petit sprat ou une minuscule sardine, on peut en trouver en France sous le nom de poisson de friture. Il ne s'agit pas d'une vraie espèce, depuis 1960 on sait qu'il s'agit d'un ensemble d'espèces (dont le sprat) à un stade immature, ces poissons sont observables principalement lors de leur remontées depuis la mer.
Leur taille en fait naturellement un vif plus adapté pour perche et sandre. Bien sûr, le whitebait peut aussi servir pour appâter une zone à prospecter plus tard.
Je l'ai utilisé avec succès sur le sandre. Il faut noter que la chair étant plutôt fragile, il faut les changer beaucoup plus souvent sur la monture.
En raison de son stade de croissance, les whitebaits ont la particularité de ne pas coller les uns aux autres une fois congelés, un réel atout pour la manipulation.




Espèces pour autres techniques que le manié


Le maquereau

J'ai lu très souvent dans les revues de pêche françaises les plus sérieuses et dans des livres spécialisés, que c'est en Angleterre que le maquereau commença à être employé pour le brochet, grâce à "l'innovation anglaise". Je ne sais pas pourquoi la presse halieutique tient tant à entretenir des légendes.
L'emploi du maquereau vient de l'Irlande, le pays du brochet. D'autre part, on utilise la peau de maquereau en France depuis longtemps. Son aspect luisant et ses effluves grasses permettent d'installer un petit morceau sur un hameçon simple pour pêcher un tas d'espèces.
Le maquereau est grand, rond et allongé. De ce fait, le mettre sur une monture à manier n'est pas une très bonne idée. J'ai effectivement pris des brochets de cette manière, mais ce n'est pas non plus l'appât qui l'attire le plus. D'ailleurs, il est conseillé d'appâter un secteur pendant plusieurs jours avant d'y installer ses lignes. Et est-ce parce que le brochet commence à le consommer, ou bien parce qu'il s'habitue à cette odeur nouvelle?...
On le choisit plutôt donc pour un montage posé, sur un secteur qu'on aura appâté durant plusieurs jours.
C'est une espèce vraiment facile à trouver chez les poissonniers, toute l'année.



La sardine

La sardine ressemble à un petit hareng. La sardine, également un poisson facile à trouver chez le poissonnier durant presque toute l'année, est un poisson de taille variable mais beaucoup plus long que le sprat, qui est d'ailleurs en réalité une autre espèce.
Son odeur est plus forte que celle du sprat, et c'est aussi un poisson à l'aspect brillant. De ce fait, les petites sardines seraient parmi les meilleurs vifs pour pêcher le brochet au mort manié si sa chair bien qu'assez dense n'était pas très fragile.
Quand on a réussi à l'utiliser sur un montage statique (posé ou flottant), c'est un bon appât à brochet, sandre ou perche. Et je parle "d'appât" parce qu'il est difficile de l'utiliser entière en raison de sa fragilité, on aura plus facile à monter une queue de sardine.




QUELQUES REMARQUES ET CONSEILS

Si vous n'êtes pas encore convaincu(e) des espèces marines, voici quelques autres bonnes raisons de les essayer:

- Le pêcheur au manié est toujours limité dans ses vifs, puisqu'il faut les pêcher. Avant d'aller au carnassier il faut aller au blanc. C'est comme aller 2 fois à la pêche, il faut donc suffisamment de temps. Pour ma part je ne fais que des sorties courtes, 3 heures c'est déjà vraiment long! Une option est donc de pêcher des petits blancs pendant l'été et les conserver au congélateur. Or c'est possible mais limité.
- Quand on a besoin d'aller prendre des vifs, on a souvent difficile à sélectionner les espèces.
- Les espèces d'eau douce dégagent une odeur désagréable et forte, et cette odeur reste sur les mains pendant des heures. Ce n'est pas la même chose avec les espèces marines, sauf peut-être la sardine.
- Les espèces marines se conservent beaucoup mieux que les petits blancs d'eau douce. Achetées fraiches ou après décongélation, il est possible de les conserver au réfrigérateur plusieurs jours.

Et enfin quelques conseils qui valent pour toutes les espèces marines mentionnées ci-dessus.

Plus le poisson est frais plus il semble efficace, les carnassiers d'eau douce semblent noter la différence. Par ailleurs, un poisson frais est bien plus résistant, et l'installation sur la monture est aussi plus facile.
Choisir un poisson bien frais est simple, on vérifie que la couleur "de la robe" est plutôt brillante, que la couleur des yeux plutôt vive, un sprat frais par exemple est bien bleu est l'oeil clair.


Bien montées, toutes ces espèces indiquées ci-dessous pour la pêche au manié tiennent pendant de nombreux lancers... en l'absence de touches bien sûr! Je prends d'ailleurs parfois plusieurs poissons avec un même sprat.
Gardés au réfrigérateur entre 3 à 5º, toutes ces espèces se conservent plusieurs jours.

Il est bien utile de congeler. On peut trouver à un prix encore meilleur des caisses de poisson, par contre il faudrait les décongeler suffisamment pour pouvoir les séparer en petits lots avant de recongeler. Je préfère simplement acheter plusieurs kilos de poisson frais chez le poissonnier. Comme une partie de pêche ne demande qu'un certain nombre de vifs, je créé des sachets de différentes tailles, de 5 à 15 vifs.

Avant d'aller à la pêche il est impératif de décongeler proprement, dans le but d'obtenir des vifs complètement dégelés, qui seront bien mobiles et bien odorants, mais aussi bien frais. L'idéal est de les placer à basse température, dans une cave par exemple, ou sur le sol, la veille de la pêche. C'est-à-dire, ne pas forcer la décongélation. Et surtout pas... de dégeler au micro-ondes!

Pour emporter ces "vifs", j'utilise simplement un petit sac "isotherm". Au retour de la pêche, je peux d'ailleurs replacer l'excédent au réfrigérateur.

Bonne pêche à tous et surtout n'oubliez pas d'expérimenter!


POUR FINIR, QUELQUES PHOTOS

Perche au gardon



Brochet au gardon



Brochet à l'éperlan (River Thames)



Brochet à la perche (Coventry canal)



Brochet au sprat (Tamise)



Perches au sprat (Cherwell river)





Sandres au sprat (Coventry canal)