La petite histoire

C'est par un mois d'automne anglais particulièrement pluvieux, qui avait non seulement laissé les habituels bras morts de la ville d'Oxford bien remplis, mais aussi créé un grand nombre d'amortis, que je me suis posé les questions suivantes...
Comment tirer parti de ces inondations, entre deux pluies fortes?
Comment exploiter de multiples postes très petits, avec une bonne garantie de succès?
Comment pêcher des eaux troublées par les pluies?
Impossible également d'utiliser ma bicyclette à cause des routes et chemins coupés par les inondations.
Difficile aussi d'utiliser un gros leurre comme le Zam-Z, leurre d'une efficacité surprenante quand il est manié comme un poisson mort avec de très longues pauses mais qui est moins prenant quand les eaux ne sont pas claires.

Il fallait une technique qui réponde à différents problèmes:
- prospecter des postes de petite taille, type bras mort peu accessible en centre ville, lône entre des édifices, petite inondation dans un champ, entrée de ruisseau, depuis la berge;
- se déplacer entre ces postes séparés de quelques centaines de mètres à quelques kms;
- une pêche lente, pour gratter chaque cm de ces petits postes;
- une pêche discrète, pas question d'introduire mouvements ou bruit, en raison de la taille des postes;
- une technique qui reste efficace dans des eaux troubles;
- un montage pour le fond, et qui ne s'accroche pas.

Une option qui m'a paru naturelle est la tirette, en faisant un montage adapté au brochet. Sur le canal, j'avais déjà remarqué sur quelque-uns de mes hotposts que le brochet prend très souvent une monture drachko eschée d'une friandise l'éperlan et maniée vraiment lentement, et la prend parfois quand elle est immobile sur le fond.

Maintenant, quel appât? Les blancs d'eau douce marcheraient sans doute. Cependant, cela suppose un stock important à disposition pour des mois de pêche. Et l'utilisation de blancs comme "vifs" sur une monture mort manié m'a toujours rebuté à cause de l'odeur de pourri d'eau douce que cela laisse sur les mains...

Parmi les appâts marins, le sprat facile à trouver ne semble pas bien marcher sur le brochet. Le smelt (éperlan) lui est excellent sur le brochet, cependant il doit être acheté en magasin de pêche et est très cher.

Alors quoi comme appât??
C'est alors que je me suis souvenu d'une rencontre avec un pêcheur chevronné sur les bords de la Sensée dans le Nord, il y a bien longtemps. En pêcheur raisonnable, il m'avait parlé de ses façons d'attraper des perches avec un jig métallique, un pompon de laine rouge etc et m'avait parlé du lard pour attraper des sandres, une technique que certains vieux pêcheurs utilisent encore sur les canaux du Nord.

Voilà c'était tous les ingrédients qu'il fallait pour essayer quelquechose de nouveau sur un nouveau problème de pêche!

Après une session et quelques brochets pendus, j'ai continué à utiliser cette technique. La voici pour ceux que cela peut aider.

Ce qu'il faut

- un hameçon texan de type wide gap; la gamme disponible aujourd'hui est devenue tellement grande qu'on a du mal à choisir. J'utilise soit des VMC qu'on trouve très facilement, les mêmes que ceux que je choisis pour la perche au plomb-palette mais en plus grande taille 5/0. Ou bien les Gamakatsu Worm 314, ils ont des avantages: résistance à toute épreuve, pointe piquante à l'extrême qui ne s'use pas. Et leur forme aussi est intéressante car la pointe n'est pas très exposée tout en étant aussi efficace.
- un bas de ligne, celui qu'il vous plait, fluorocarbone > 0.60 ou crinelle, le principe est qu'il résiste, et SURTOUT qu'il soit souple, c'est vraiment important.
- un émerillon baril de bonne facture
- une perle de votre choix, 1 euro dans une mercerie
- une plombée - soit un plomb de type goutte que vous achetez, soit vous fabriquez le votre. Je fabrique les miens avec du fil d'acier pour monture drachko 0.60, et des chevrotines de 3 à 12 grammes. Je combine 2 chevrotines pour obtenir le poids désiré et avoir un plomb plus allongé qui passe dans les obstacles. Ce plomb permet aussi de changer les chevrotines en cours de pêche sans avoir à changer de noeud.
- une canne, un moulin, du corps de ligne :) - la tresse donne un meilleur contact pour cette pêche, d'un autre côté un nylon coloré est un énorme plus pour détecter les touches souvent latérales, le brochet n'étant pas gêné pour emporter avec lui un plomb de 15 gr.
- du fil de laiton ou cuivre, celui que vous utilisez pour le mort manié, personnellement je le prends au rayon couture du magasin de draps

Le lard

J'achète du lard de cuisine, non fumé (la version fumée n'a pas la même texture et n'est pas aussi grasse). Essayez de prendre du lard avec beaucoup de gras.
Ensuite on découpe, avec les doigts sans couteau si les tranches sont assez minces, des morceux rectangles d'environ 4 cm sur 15 ou 20 cm.
Pour une partie de pêche de 2 ou 3 heures, il suffit de moins de 8 de ces tranches.
Plus les morceaux sont épais, plus l'appât va bien tenir à l'hameçon et vous aurez moins de râtés, le lard épais est très solide et accroche les dents qui tapissent tout le bec du brochet. Par contre l'appât n'ondule pas beaucoup.
Plus les morceaux sont minces, plus l'appât va être délicat et vous aurez plus de râtés, le lard mince s'arrache plus facilement d'autant que la perche l'adore. Par contre un lard mince ondule beaucoup.

Le montage

Préparer un bas de ligne de plusieurs dizaines de cms, j'ai pu remarquer que plus ce BdL est grand plus le montage est prenant pour le brochet. Evidemment à partir de 50 ou 60 cm selon la longueur de votre canne, ça deviendrait difficile de lancer...
Nouer l'hameçon texan et l'émerillon baril avec le noeud de votre choix.

Sur le corps de ligne, passer le plomb puis la perle, la perle sera entre le plomb et l'émerillon.
Quand j'utilise du nylon coloré (Suffix Ultra Knot 0.35) j'aboute 2 mètres de tresse. Cela ajoute de la discrétion, de la sensibilité mais cela évite aussi que le plomb ne récule beaucoup sur le corps de ligne durant les lancers.

Monter le lard sur le texan: passer le lard jusqu'à l'oeillet. Prendre un bout de votre fil de laiton, le passer dans l'oeillet et le lard, puis le refermer sur le lard avec quelques torsades.

Séparer ou découper la "queue" de l'appât en 2 ou 3 parties, cela créera beaucoup plus de mouvement.
Rappelez-vous que le lard est à la fois un appât et un leurre.



La technique de pêche

Et bien c'est très simple.
On lance et on laisse tomber doucement, si on retient pendant la descente le montage et le plomb restent proches.
On attend plusieurs secondes, de 15 à 30 environ, puis on relève la canne en un mouvement assez vertical, et on laisse redescendre.
Pendant la descente, l'appât ondule en une nage aussi bien naturelle et fluide qu'erratique. C'est pour ça qu'il faut bien relever au lieu de faire trainer le montage sur le fond.
La "tape" peut arriver à la descente, ou bien pendant le premier instant après le levé, mais aussi très souvent pendant l'arrêt. C'est pourquoi à l'arrêt je garde la ligne tendue, ce qui est plus facile si la plombée est suffisante.
La touche est parfois aussi un gratouillis, un déplacement de l'ensemble du montage vers vous ou latéralement, ma canne a même déjà soudainement plié à l'arrêt.
Il n'y a pas besoin d'attendre après la touche, ferrer tout de suite.
Si vous avez opté pour une perle en verre ou une grosse perle en plastique, le montage produira aussi de temps en temps un petit bruit.

Le résultat

Cette technique personnelle m'a rapporté des brochets au premier essai. Je vous souhaite au moins le même bonheur!